Problématiques familiales & maladies

Quand on est malade, c'est la force de réconciliation qui est à l'œuvre

Principes de base

Nous savons aujourd'hui que l'origine de nos souffrances n'est pas une, mais multiple. Vouloir asséner des "vérités" pour expliquer pourquoi nous souffrons n'est qu'une manifestation de notre ignorance, ou de notre vanité et de notre sentiment de toute-puissance : rassurant, mais illusoire !

Ce qui signifie qu'aucune technique ne pourra jamais, à elle seule, être un remède suffisant pour tout ce qui arrive de malheureux. 

L'acceptation de la complémentarité entre les approches est une condition première pour sortir de nos enfermements, et vouloir imposer son point de vue, sa théorie, sa méthode, blesse d'un coup les trois grands principes de base qui gouvernent tous les systèmes, individuellement et collectivement :

Le principe de réalité

Nous sommes tout petits face aux forces qui nous dépassent , et nous sommes tous interdépendants, de façon indissociable.

Le principes de priorité

Le développement de notre individualité passe par le respect des besoins du ou des groupes auxquels nous appartenons de fait, au sein d'une hiérarchie établie dans un ordre précis et rigoureux, où chacun a sa juste place.

Principe d'équilibre entre donner et recevoir

Tout ce que nous avons, tout ce dont nous disposons, nous le devons toujours à quelqu'un : à nos parents la vie, à la vie encore plus, et à tous les autres la gratitude.

La conscience individuelle

La conscience individuelle a pour fonction de réglementer notre appartenance au groupe. 

Aussi longtemps que je respecte les règles du groupe, je lui appartiens. Si je remets ces règles en question, je mets en danger mon appartenance. Bert Hellinger, pionnier du travail en constellations, s'est intéressé pendant de longue années à la question fondamentale de la nature de la conscience et à sa fonction. 

Qu'est-ce que la mauvaise conscience ? Une sensation désagréable, accompagné de la sensation d'être mal dans sa peau, l'envie de se cacher (la honte) associée la plupart du temps à un fort sentiment de culpabilité. 

Qu'est-ce que la bonne conscience ? Une sensation de bien-être plus discrète, légère, à peine palpable, comme l'innocence ! 

Nous connaissons l'une et l'autre. Mais elles ne se manifestent pas de la même façon dans les mêmes circonstances. 

La conscience individuelle est relative et n'a que peu à voir avec le bien et le mal : un soldat qui déserte est considéré comme un traître et aura mauvaise conscience, quand bien même il serait un fervent antimilitariste. D'autres soldats sont atteints du « syndrome du survivant », dont l'explication nous a été donnée par Anne Ancelin Schutzenberger : la personne se sent coupable et a mauvaise conscience d'être restée en vie après la guerre, alors que ses amis ont disparu.

A l'inverse, les membres d'une bande de malfaiteurs n'ont pas mauvaise conscience quand ils réussissent un mauvais coup. Par contre, si l'un échoue, il sera embarrassé et aura honte vis-à-vis des autres, il aura mauvaise conscience. 

Les notions de bien et de mal, de culpabilité et d'innocence, de vérité et de mensonge… sont changeantes : elles dépendent du groupe auquel on appartient et de son cadre de références. 

Notre premier groupe d'appartenance : 

la famille

A notre naissance, notre survie dépend entièrement de notre entourage : cette communauté a des règles précises quant à ce qui est juste ou faux, bien ou mal, beau ou laid, désirable ou méprisable, permis ou interdit.

Quelques exemples : 

Dans une famille, il est normal de se méfier des voisins ; dans une autre, les bonnes relations avec le voisinage font partie de la vie quotidienne.

Chez les uns, une importance très grande est accordée au « look », aux vêtements que l'on porte ; chez les autres, ceci n'est que futilité et on regarde le côté solide et pratique.

Ailleurs, il est méprisable de mentir, et ici, mentir est un moyen rusé de se sortir d'un mauvais pas ou d'obtenir des avantages.

Chez vous, manger est au centre des préoccupations… et des plaisirs ; chez un autre, les repas sont expédiés comme une contrainte de la vie.

Chez nous, un sou est un sou ; ailleurs, l'argent est dépensé sans compter. Chez nous, il est essentiel d'être le meilleur à l'école ; chez votre meilleur ami, il suffit de faire des efforts pour avoir l'estime de toute la famille…

Notre conscience est un censeur : elle trie ce qui est toléré et ce qui doit être rejeté. L'enfant intègre ces lois familiales et en fait son propre cadre de références. Quand il grandit et élargit son champ d'action, il découvre d'autres familles, d'autres modes de vie, d'autres règles, il est amené à se lier à des personnes qui ont d'autres visions du monde. Les compromis vont devenir inéluctables : pour qu'une relation existe, pour se sociabiliser, il faut renoncer à certaines de ses convictions et intégrer une partie de celles d'un autre.

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Par exemple, souvenez-vous...

de la première fois que vous êtes allé dormir chez un copain. Vous avez découvert qu'on pouvait regarder la télé tous les soirs, manger des bonbons avant de dormir, ne pas se laver les dents, se coucher tard, faire du bruit sans se faire gronder, parler avec un père comme si c'était un copain, avoir la maison pleine d'amis qui débarquent sans prévenir et s'invitent à partager le repas.

Exactement le contraire de chez vous ! Il faudra bien, si je veux conserver ce copain, que je me glisse dans cette nouvelle façon de vivre, au moins de temps en temps. Sans doute même que je ne dirai rien à mes parents qui, peut-être ne voudraient pas que j'y retourne ! Ainsi, avec mauvaise conscience, je vais trahir mon clan : c'est une nécessité pour continuer ma croissance.

Notre intégration passe inévitablement par l'expérience (éprouvante) de la culpabilité et de l'infidélité. En même temps, personne ne peut se permettre de perdre son appartenance, au risque de grandes souffrances. Les conséquences d'une exclusion d'un système sont douloureuses et lourdes de conséquences.

La conscience systémique

La conscience systémique obéit a des lois universelles dont le non-respect conduira l'un ou l'autre membre du système à compenser l'infraction, le plus souvent inconsciemment, en prenant en compte les émotions ou le destin de celui qui a été lésé d'une manière ou d'une autre.

"La conscience systémique obéit à des lois universelles."

Les blessures à la conscience systémique

L'exclusion 

Le principe d'appartenance qui interdit à un groupe de rejeter un de ces membres, même « coupable » d'une infamie est le plus important qui soit (puisque chacun a le même droit d'appartenir à ce groupe que tous les autres membres). 

La bonne conscience que nous procure l'obéissance au cadre de références de notre système familial est souvent incompatible avec les lois de la conscience systémique, beaucoup plus puissantes que celles de la conscience individuelle. 

Des difficultés physiques parfois très graves comme un accident ou une maladie mortelle, des problèmes psychologiques comme la dépression, ou tout type de problèmes récurrents, sont les conséquences d'une blessure aux principes systémiques, à la conscience systémique. 

Ces souffrances viennent de la contradiction, du tiraillement interne, entre le besoin d'appartenir qui nous pousse à agir dans le sens des valeurs de notre système familial - quitte parfois à en mourir ! – et la nécessité de respecter les principes systémiques qui s'appliquent dans tous les groupes humains, du plus petit (le couple) au plus grand (famille, nations, humanité). 

Exemple : s'il semble naturel et légitime d'exclure des réunions de famille la tante Gertrude depuis qu'elle a eu, il y a quinze ans, une relation extraconjugale avec un ouvrier agricole (donc une faute pour cette famille aisée et bien-pensante), ou s'il est « gentil et délicat » de ne jamais parler du frère mort-né de maman pour ne pas lui faire de la peine, nous blessons en fait le principe de réalité, car chacune de ces personnes, exclue en toute bonne conscience, appartient pour toujours à notre famille. Le système ne peut pas accepter qu'on en exclue une seule, ni même qu'on l'oublie, et la mémoire familiale peut continuer pendant de nombreuses générations à rappeler l'exclu, sous forme des difficultés citées plus haut.

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Prendre le fardeau d'un autre

Par amour pour notre famille, nous acceptons de porter de bien lourds fardeaux. Le départ de papa laisse une place vacante auprès de maman, et le fils tente de le remplacer pour la soutenir. 

Ou bien, pour éviter de voir ce père partir, ou mourir, c'est-à-dire pour partir à sa place, la fille développe une maladie ou accumule les accidents jusqu'à celui qui lui sera fatal. Parfois aussi, l'enfant prend le parti de l'ex-conjoint de sa mère, dont elle dit du mal et qu'elle ne veut plus voir… Chaque fois que je prends le fardeau d'un autre, ou que j'occupe la place d'un « grand » alors que je suis le plus jeune dans le système, je blesse le principe du rang et de la place et je paie le prix fort. Sans aucun résultat bénéfique pour le système ! Je ne fais qu'ajouter de la souffrance, la mienne, à la souffrance déjà existante, et la souffrance de l'un ne délivre pas l'autre. 

J'expie pour les erreurs d'un autre 

Chaque fois qu'un mal est fait, le système trouve le moyen de le compenser : à votre insu, vos problèmes financiers, votre incapacité à assumer votre vie sentimentale, vos déboires perpétuels peuvent trouver là leur source. Il faut que quelqu'un « paie ». 

Ou alors vous ne comprenez pas d'où vient votre sentiment chronique de culpabilité : à qui appartient-il ? 

Qu'expiez-vous à la place d'un autre ? 

« La souffrance de l'un ne délivre pas l'autre »

Rappel essentiel

On ne peut en aucun cas se contenter d'une approche systémique pour soigner les troubles dont on souffre : il faut veiller à vérifier l'origine de ces troubles auprès de personnes compétentes car, encore une fois, il n'y a pas de cause (ni d'explication) unique. Par contre, si l'origine du trouble est systémique, les traitements et autres accompagnements thérapeutiques verront leurs effets renforcés. Parfois même, le problème récidivant disparaîtra ou le développement de la maladie s'arrêtera. 

Travail en constellations

Les constellations familiales (mais aussi professionnelles, ancestrales, thérapeutiques…) se déroulent en deux temps : 

1. Mise en évidence des dynamiques cachées qui sont à l'origine des problèmes (Quel principe systémique a été blessé ? Où se trouve la blessure ?). 

2. Recherche d'une meilleure solution que celle, apportée par amour, mais de façon douloureuse, par celui qui a le problème aujourd'hui. 

Une palette de protocoles, viendra apporter une première impulsion de réparation, plus respectueuse des principes systémiques que la famille du client a bafoués par ignorance. L'impossible d'aujourd'hui peut devenir le possible du lendemain, même si ce lendemain se situe dans les jours, semaines ou mois qui suivent la constellation.

Constellations familiales et maladies

Quand on est malade, c'est la force de réconciliation qui est à l'œuvre : nous sommes en contact avec l'histoire d'amour qui n'a pas pu se réaliser entre deux personnes ou groupes de personnes. Quand la maladie est agressive, elle représente quelqu'un qui a fait beaucoup de mal, auquel je suis identifié…

Quand on souffre d'un organe malade (foie, rein…), il est toujours intéressant de trouver quelle est la personne exclue qui crie à travers cet organe malade. 

Chez une personne alcoolique ou toxicomane, il s'agit de chercher la personne vivante (souvent le père) dont elle est coupée.

La fatigue ne vient-elle pas pour nous permettre de réprimer ma propre agressivité ou celle d'un autre ?

La paralysie, et toutes les formes de maladies paralysantes, peuvent indiquer un lien douloureux avec un ancêtre agressif : cette maladie empêche de reproduire la violence.

Dans la dépression, un lien a été coupé avec l'un ou l'autre parents.

Dans les maladies auto-immunes, comme la sclérose en plaques, une explication systémique est que je revis dans mon corps l'agressivité d'un de mes grands-pères vis-à-vis de son épouse (le système nerveux est féminin, le système immunitaire défensif masculin).

L'anorexie vient comme une tentative désespérée d'empêcher un parent, souvent le père, de partir.

La boulimie : la mère méprise le père, l'enfant prend la nourriture (=ce que donne la mère) et rend ce qu'il a pris par fidélité au père.

Une psychose est souvent le rappel d'un meurtre commis dans les générations passées. Le malade essaie de réunir en lui le bourreau et la victime.

Auteur de l'article : Coline D'Aubret

Formatrice, constellatrice, directrice de l'EPESA (École des pratiques essentielles de soutien et d'accompagnement).

Article publié avec l'aimable autorisation de la revue Science de la Conscience.