Les deux dynamiques essentielles
Il existe dans chaque être humain, et cela dès la conception, deux dynamiques fondamentales ou essentielles, basées l’une sur le principe systémique d’appartenance, et l’autre sur le principe individuel de réalisation.
1. Le principe systémique d’appartenance : il se caractérise par la dynamique de relation, de lien, de chaleur et de proximité.
2. Le principe individuel de réalisation : il est caractérisé par une dynamique de croissance, d’évolution personnelle, d’autonomie, de liberté.
Ces deux dynamiques biologiques se manifestent dans le ventre de la mère, la première par l’état symbiotique du fœtus et de sa génitrice, la seconde par la croissance qui est un dépassement continuel de son propre état précédent.
Lorsque ces deux dynamiques sont arrivées au terme de leurs potentialités intra-utérines, l’enfant, par la naissance, passe de la phase amphibienne à une nouvelle phase, en aérobie, au cours de laquelle les deux dynamiques subissent une métamorphose : l’état symbiotique devient relationnel et la croissance devient évolution autonome.
En même temps, de biologique, l’évolution devient psycho-biologique (ceci ne remet pas en cause l’impact psychologique des influences prénatales).
Tensions entre besoin d’appartenance et désir de liberté
Se met alors en place une tension entre le principe systémique d’appartenance et le principe individuel de réalisation, entre le désir de relation et de proximité d’une part et le désir d’autonomie et de liberté d’autre part.
Chacun vit cette tension de façon plus ou moins conflictuelle, harmonieuse, ou douloureuse.
Ainsi l’enfant, pour continuer à appartenir à sa mère, à son père, à sa famille ou à son milieu, est obligé de faire de nombreuses concessions du point de vue de sa libre croissance qui devient croissance conditionnée et souvent réprimée.
Mais ce besoin fondamental de liberté et d’autonomie ne peut être réprimé. Il se manifestera tout au cours de l’enfance par des périodes de révolte, comme les colères de la petite enfance, les crises spécifiques de l’adolescence et à l’âge adulte, en particulier aux étapes importantes de la vie, par des remises en cause du couple, de la famille, parfois de la vie elle-même. Dans la majorité des cas, les périodes cruciales cèdent assez rapidement la place à des périodes plus longues d’adaptation ou même d’adéquation contextuelles.
Lorsque cette adaptation ne se fait pas ou trop douloureusement, elle entraîne des difficultés psychologiques, relationnelles, sociales ou professionnelles, ainsi que de nombreuses pathologies corporelles ou psychosomatiques qui sont le plus souvent le signe révélateur d’un problème systémique que nous appelons “perturbation symbiotique”.
Les effets
Ce trouble systémique, inconscient dans la majorité des cas, est présent dans tous les individus mais n’est considéré comme relevant d’un traitement que lorsqu’il entraîne les difficultés précitées dans le domaine pathologique. Il est également à la base des trois émotions négatives primaires : peur, colère et tristesse, dont les conséquences actualisées respectives sont les comportements de fuite, de violence, ou d’apathie (dépression) à la base des difficultés adaptatives.
Il est possible de traiter ces troubles avec les méthodes classiques de la médecine, de la psychologie, du conseil et autre coaching : nous pensons que ces moyens, tout en ayant leur indication et leur efficacité spécifiques, ne pourront répondre à la problématique de fond qui est systémique.
Leur résolution passe donc par la mise en œuvre d’un traitement systémique. Nous utilisons les constellations familiales ou structurelles et les “représentations euphoniques orientées”.
Les deux causes majeures
Du point de vue systémique, nous nous limiterons dans cet article à la description des deux causes majeures et des deux causes secondaires de la perturbation symbiotique.
Première perturbation symbiotique majeure : le parent intrusif.
Elle est liée à la possessivité excessive de l’une des personnes de référence de l’enfant, en principe l’un des deux parents : par exemple la mère hyper possessive ou surprotectrice s’immisçant dans l’espace de liberté de l’enfant qui ne peut alors développer sa dynamique vers l’autonomie.
Deuxième perturbation symbiotique majeure :
Elle est liée à l’absence ou l’inaccessibilité de l’une des personnes de référence (en principe l’un des parents). Par exemple, un père est trop occupé ou préoccupé par sa vie professionnelle : l’enfant ne peut vivre harmonieusement le principe d’appartenance, ni développer sa dynamique relationnelle.
Dans les deux cas, l’enfant ne peut trouver sa juste place ni à l’intérieur, en lui-même, ni à l’extérieur dans la famille et plus tard dans le couple, la société ou la profession.
Les deux causes secondaires
Première perturbation symbiotique secondaire :
Elle est liée à la disparition d’un membre de la fratrie de l’enfant par mort prématurée, par IVG ou par fausse-couche. Dans tous ces cas, l’enfant ne s’accorde que rarement le droit de vivre pleinement sa vie ou d’occuper sa juste place dans la vie.
Deuxième perturbation symbiotique secondaire :
Elle est liée aux expériences d’abus ou de violence exercée par l’un des parents ou les deux parents. Le conflit intérieur de l’enfant est d’autant plus pénible qu’il ne peut agir extérieurement en exprimant sa liberté de réaction contre cette violence de peur de perdre sa relation au parent abusif ou violent.
Les stratégies inconscientes
Celle de l’enfant pour concilier en lui-même les deux dynamiques perturbées et les solutions systémiques.
1. Le cas d’un parent surprotecteur
D’abord considérer que ce trouble du comportement parental est lui-même dû à un trouble relationnel de ce parent avec l’un de ses propres parents. De façon compensatoire, cette relation est alors accentuée avec son enfant : il s’agit d’une compensation pseudo projective freudienne. L’enfant est alors partiellement identifié au parent du parent. L’hyperfocalisation du parent sur l’enfant conduit ce dernier à exagérer “l’apprentissage-imitation” : c’est comme s’il regardait trop le monde à travers les yeux du parent (nous insistons ici sur le “trop”). Donc l’enfant est également partiellement identifié à ce parent. L’enfant a adopté une double stratégie d’identification partielle.
Le traitement systémique de constellation familiale et de représentation euphonique devra mettre en évidence ces deux identifications partielles puis les résoudre.
Habituellement ce processus de désidentification ne sera pas suffisant ; en effet, nous devons considérer que l’enfant en s’identifiant partiellement au parent a perdu une partie de sa propre “énergie psychique d’autonomie”, qui est comme retenue dans “l’âme” du parent : il sera nécessaire de “retourner” cette énergie d’autonomie du parent à l’enfant.
Il est également possible que l’enfant, dans son amour inconditionnel pour le parent et son sentiment de toute puissance, prenne inconsciemment sur lui le fardeau qu’il sent peser sur les épaules (la vie) du parent. Cette situation devra être traitée par un processus de “retour du fardeau au parent” qui, d’un point de vue technique, se situe entre le processus de désidentification et celui du “retour de l’énergie d’autonomie".
2. Le cas du parent absent ou inaccessible
Percevant que “l’énergie du lien” du parent va dans une autre direction, c’est-à-dire dans la direction des occupations ou préoccupations du parent (que nous devons considérer comme un succédané de la relation insatisfaisante du parent à l’un de ses propres parents), l’enfant s’identifie inconsciemment à “l’objet” vers lequel va l’énergie du parent. A nouveau, il sera doublement identifié : partiellement au parent et partiellement à l’objet de focalisation du parent.
Les techniques systémiques de désidentification seront semblables à celles utilisées pour le parent surprotecteur. De même dans le cas de prise sur soi du fardeau parental.
Nous voyons là que nous sommes véritablement dans des processus transgénérationnels : de génération en génération, le malheur se perpétue !
De la perturbation symbiotique à la réalisation de soi
Ce n’est qu’une fois les perturbations symbiotiques résolues que l’individu pourra trouver un équilibre psychologique intérieur et socio-relationnel extérieur, et éventuellement se poser les deux questions essentielles avec quelques chances d’y trouver des réponses non illusoires et non pathologiques :
“Qui suis-je ?” et “Quel est le sens de ma vie ?”
Débarrassé de tous “ceux” qu’il n’est pas, c’est-à-dire de toutes ses identifications aux multiples et complexes fragments que représentent les “petits moi”, il peut commencer sa quête du “soi réel” (certains disent “spirituel”), dans le sens jungien de l’individuation.
Cette démarche répond au principe biologique de croissance, d’évolution personnelle et d’autonomie dont l’aboutissement est la réalisation de soi dans la libération spirituelle. Ceci est la réponse à la question : “Qui suis- je ?”
La réponse à la question du “sens de ma vie” se trouve dans la réalisation du principe systémique d’appartenance lié à la dynamique de la relation et de la proximité ; en effet, ma vie ne peut avoir de sens que si le “fragment” de vie que je suis, trouve une relation aux autres dans une action engagée au service de la société et du monde. Le besoin de lien est enfin transcendé par la perception de l’appartenance incluant tous et tout dans le champ universel de l’être.
Cette perception existentielle culmine alors dans un sentiment de l’unité originelle.
Auteur de l'article : Idris Lahore
Article publié avec l'aimable autorisation de la revue Science de la Conscience.