Récit d’un parcours dans le travail avec les familles, la protection de l’enfance puis de nombreuses institutions d’aide aux autres, le livre que Françoise publie raconte comment, peu à peu, elle a introduit la mise en représentation comme un outil dans le travail de supervision des équipes professionnelles, inspirée par le travail et l'éthique appris avec Idris Lahore.
Un peu de théorie, beaucoup d’exemples… 15 ans d’expériences et de rencontres qu'elle a pu mettre en forme, certes pas pour une compréhension définitive, mais comme un jalon sur lequel s’appuyer pour faire le prochain pas.
L’application des principes systémiques dans le champ de la relation d’aide
Françoise MAZUIR
Elle a intégré les techniques transgénérationnelles et systémiques à sa pratique quotidienne de psychologue ainsi que dans les groupes de supervision qu’elle anime.
Elle a créé le centre "In flux" dans la région de Gex, où elle transmet différentes formations.
Elle enseigne les constellations selon Idris Lahore en France, en Russie et au Brésil.
Extraits :
L’essentiel à retenir des principes et dynamiques systémiques qui ont été exposés jusque-là est l’existence de modèles qui permettent à tout le monde de trouver une bonne place.
Ces modèles sont bousculés par les évènements graves qui blessent les principes systémiques et la conscience systémique va alors chercher à rétablir l’ordre ou « les principes de la vie », comme les appelle Idris Lahore, en imposant des répétitions douloureuses, des symptômes ou des souffrances.
Dans les publics avec lesquels nous travaillons dans l’aide sociale ou médicosociale, les blessures, traumas et difficultés qui foisonnent ont souvent l’allure de cataclysmes ! Dans des familles multi traumatisées, on n’évite pas les blessures graves aux principes systémiques. Il est facile de se représenter comment les modèles de l’harmonie et de l’équilibre sont chahutés et malmenés !
Là se trouve l’une des causes qui rendent les mouvements et transformations souvent si difficiles dans les systèmes dans lesquels nous intervenons. Alors même parfois que les membres de la famille sont pleins de bonne volonté ainsi que les intervenants ! Pourtant, des résistances, des loyautés invisibles, des blocages, des répétitions, des mises en échec qui semblent faites exprès, mènent au sentiment d’impuissance, à la désillusion, aux symptômes trop fréquents d’épuisement professionnel qui rongent la motivation des intervenants.
Notre proposition viendrait définir l’objet principal de notre intervention comme étant : regarder l’endroit où les principes systémiques sont blessés et repérer à quel endroit l’institution et nous, professionnels, à travers nos interventions, sommes partie prenante de ce jeu qui participe à reproduire les blessures aux principes systémiques ; puis amener avec beaucoup de respect la possibilité pour les membres de la famille de s’ouvrir à un mouvement intérieur qui est habituellement précisément celui que l’on fuit : regarder ce que l’on exclut, accepter de retrouver sa place et rien que sa place ou la redonner aux plus petits en reprenant sa place d’adulte, s’engager activement pour équilibrer la balance donner/recevoir là où la dette, symbolique ou réelle, perturbe notre relation aux autres et au monde. À défaut d’avoir des éléments transgénérationnels sur les histoires des protagonistes des sagas familiales, nous pourrions ainsi au moins éviter de re-fabriquer des blessures qui deviennent les germes de répétition future.
Nous avons bien compris que, dans un système, l’interdépendance est la règle et que l’on ne peut pas « réfléchir sur une situation » sans avoir une vision globale du système élargi.
D’où la question : qui veut-on aider ?
Bien sûr, il s’agit d’aider des enfants malmenés, maltraités, négligés, carencés, des femmes en souffrance, dans la violence, des hommes dans l’errance ou les addictions ou des personnes limitées par un handicap physique ou psychique.
Ce que la vision systémique affirme avant tout, c’est qu’une solution ne pourra pas être bonne si elle n’est pas bonne pour l’ensemble du système : si le soutien apporté à l’un, se fait au dé- triment d’un autre, si pour soulager l’un, nous accablons un autre, si en accueillant l’un nous rejetons l’autre et son histoire. Chaque fois que nous faisons cela, nous posons les fondations des malheurs à venir. Nous semons les graines de la perpétuation des problèmes et des loyautés. Nous pensons aider mais nous participons au maintien et à la reproduction du problème. Puis nous pestons contre notre impuissance, la mauvaise volonté des autres ou la fatalité contre laquelle on ne peut rien, sans voir à quel endroit notre intervention elle-même a blessé ces principes de la vie. Non pas que nous soyons tout-puissants à transformer les dynamiques cachées dans les familles et que le simple respect du principe d’appartenance suffise à tout résoudre dans les situations diffi- ciles. Mais c’est le point de départ sans lequel tout est bancal avant même de démarrer. « D’abord, ne pas nuire » disait Hahnemann, père de l’homéopathie. Nous pouvons ap- pliquer ce principe à notre action et surtout à notre pensée et faire l’hypothèse que ces changements dans notre posture intérieure peuvent être le petit granule qui donnera une information nouvelle dans le champ.
Je parlais d’une cartographie qui nous aide à nous repérer sur les territoires des systèmes. Voyons comment les principes systémiques peuvent être mis à mal dans les familles et comment il est essentiel de repérer d’abord les déséquilibres pour agir à cet endroit avant tout.
Nous verrons aussi comment il est facile pour nous intervenants de glisser dans des ac- tions qui perpétuent les blessures dans les systèmes et donc comment nous créons les conditions de la répétition des problèmes.
C’est là que l’outil de mise en représentation est une aide considérable pour voir ce que nous ne voyons pas, pour nous laisser toucher par les conséquences systémiques du non-respect des principes.