L’efficacité en équipe et l'état d’esprit dans lequel nous réalisons nos projets

Situation de vie

Yvan, informaticien, a le regard rivé à son écran d’ordinateur. Son chef, avenant, arrive et lui confie une nouvelle tâche : ajouter plus de cinq cents articles et paramètres de vente et de catégorisation divers dans un catalogue informatique.
Yvan est estomaqué : on n’a pas fait appel à ses compétences pour le choix du système informatique de ce catalogue et, en plus, on lui confie une tâche de bas étage. Par souci de participer activement et par peur d’être mis à l’écart, il refoule son désaccord, qui gronde intérieurement. 
Son visage se ferme, des tensions apparaissent dans le dos, il est comme devenu sourd, capte une parole sur deux, acquiesce sans avoir vraiment compris, car la moitié de son énergie part dans sa col.re, son agacement et son désaccord non exprimé. Pour lui, son chef, encore une fois, met la charrue avant les bœufs : il a encore lancé un projet sans l’avoir mûrement réfléchi et sans avoir posé tous les concepts nécessaires avant de passer à l’action. En plus, il ne lui a même pas demandé son avis ! Néanmoins, il fait le travail...

En entrant les nouveaux articles dans le catalogue, il râle : "J’avais raison ! Il y a des corrections à faire sur tous les articles rentrés. Quelle perte de temps !". Mais comme son mental bouillonne, il commet des bévues qui le surprennent lui-même et, pendant ces quelques semaines de travail, a l’impression singulière d’avancer comme une voiture roulant avec le frein à main serré.

Dans sa lubie de créativité, il prend également des initiatives mal à propos, non demandées et non prioritaires, qui rallongent encore le temps de travail. Il exprime aussi parfois son agacement face à son chef lors de réunions et se plaint de son collègue étranger qui ne répond pas à ses emails relatifs au projet.

Quand son chef lui fait remarquer avec tact sa lenteur, il signale qu’il ne peut en être autrement et qu’il est déjà bien sympa de corriger les erreurs en cours de route.

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        Autopsie de l’inefficacité en équipe


        Que peut-on apprendre d’une telle situation de travail ?

        Apparemment, un intervenant principal plutôt perturbateur : conflictuel, dispersé, qui ne respecte pas pleinement les indications ni les délais.

        D’autres intervenants (plutôt constructifs) ne semblent pas prendre pleinement leurs responsabilités. Le chef de projet n’a pas réfléchi complètement avant de se lancer tête baissée dans l’action et n’a pas invité tous les participants compétents à la réflexion. Il est peut-être trop soucieux de réaliser "son projet à lui" et n’a pas laissé suffisamment de place aux oppositions et avis divergents, pour remettre en question sa propre vision de manière constructive. Il n’a peut-être pas suffisamment clarifié les étapes et les temps impartis pour chaque tâche, ni prévu certaines difficultés lors de la réalisation.

        Enfin, le collègue étranger semble faire passer le projet au second plan de ses préoccupations et, par-là, nuit au bon déroulement du projet. C’est ainsi qu’on pourrait lister toutes les oppositions à l’efficacité qui ont été rencontrées.

        Pour une efficacité optimum, il est nécessaire d’honorer quelques grands principes à l’œuvre dans toute réalisation. C’est ce que nous apprennent notamment la spirale de la réalisation et les principes systémiques hérités de la tradition taoïste, utilisés aussi par Bert Hellinger dans les constellations familiales et développés par Idris Lahore, notamment pour les constellations d’entreprise.

        Efficacité et spirale de la réalisation

        Un projet suit un chemin jusqu’à sa propre réalisation, à l’image d’une goutte d’eau qui tombe du ciel, s’évapore en chemin ou ruisselle, se fraye un chemin parmi les rocs, suit des méandres, connaît des chutes abruptes en cascade, suit de lents trajets souterrains dans les nappes phréatiques ou bondit dans le tumulte des torrents, pour arriver enfin à l’océan.

        Toute réalisation, tout projet doit passer par 7 étapes pour arriver à son terme. Selon Idris Lahore, chaque fois qu’on n’atteint pas un but qu’on s’est fixé, c’est qu’on a négligé une étape.

        1e étape (DO) : l’écoute 

        Une nouvelle information nous est transmise par un expert ou un collègue, ou encore une nouvelle idée "nous vient". Pour la prendre en considération, il faut être dans une écoute extérieure ou intérieure (inspiration) attentive.
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        2e étape (RÉ) : la réflexion 

        Il s’agit de passer cette nouvelle idée au crible de son esprit critique : est-ce que cette idée est grande, juste, vraie, intéressante ? D’abord, il s’agit de mener une réflexion solitaire qui va conduire à poursuivre cette idée ou non. Ensuite, on peut mener une réflexion en groupe, en écoutant les avis divergents et les oppositions afin d’arriver à une vision d’autant plus claire et vraie.

        3e étape (MI) : la valorisation 

        A cette étape, il s’agit de donner une valeur, c’est à-dire d’aimer ce qu’on a compris intellectuellement. Cette étape donne de l’énergie au projet et il est intéressant que chacun se sente investi de cette énergie pour la mission qui lui est confiée.
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        L’intervalle du doute

        Il s’agit ici d’un doute non pas quant à la justesse ou la noblesse du projet, mais quant à ses propres capacités pour le réaliser.

        "Suis-je capable de mener ce projet à bien ?".

        C’est à ce moment que nos petits démons intérieurs sont particulièrement virulents : peurs (de l’échec, du jugement des autres, de perdre la face), paresse, avidité ("Et si je faisais ça en même temps, et ça aussi..."), et que les croyances limitantes s’expriment avec véhémence : "Je suis nul", "Je ne mérite pas", "Je n’y arriverai pas".

        4e étape (FA) : compréhension globale et acceptation.

        C’est en ayant traversé l’intervalle du doute qu’on accède à l’acceptation qui correspond à une compréhension complète, alliant le cœur à l’intellect et où une énergie de réalisation est présente.

        5e étape (SOL) : fixation du but. 

        Après être sorti de l’ignorance et des illusions, on peut accepter la réalité et donc se fixer un but.

        6e étape (LA) : mise en œuvre. 

        A cette étape, le centre physique se lie aux centres émotionnel et intellectuel pour passer à l’action. C’est là qu’interviennent la volonté et le courage, qui permettent d’incarner ce qu’on a compris et toute l’énergie est dirigée vers notre but.
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        7e étape (SI) : réalisation 

        La réalisation extérieure permet en même temps une structuration intérieure. C’est pourquoi, pour pouvoir intégrer en soi de nouvelles capacités, il est si important de boucler ses projets extérieurs.

        Sur la base de cette réalisation arrivée à son terme, au lieu de s’endormir sur ses lauriers, il est important de se fixer de nouveaux buts.
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        Conciliations constructives face aux oppositions

        Toute affirmation rencontre une opposition (intérieure ou extérieure) qui conduira à une conciliation. 
        A chacune des étapes précitées interviennent des oppositions, des influences extérieures qui peuvent nous faire dévier du but fixé initialement : un doute paralysant quant à ses capacités à boucler le projet, un collègue qui ne démord pas de son point de vue divergent, des dépenses imprévues dépassant le budget alloué…

        Sur la base d’un rappel constant de ses conclusions de l’étape précédente (la justesse ou la noblesse du but, la capacité à le réaliser, la définition du but), chaque opposition peut être intégrée pour trouver une conciliation constructive, un enrichissement, sans remettre en cause la dimension essentielle du but. Même s’il y a déviation, elle ménera au but fixé et même au-delà. Pourquoi ? Simplement par le dépassement individuel ou collectif qui a permis de surmonter les difficultés rencontrées. On peut ainsi considérer que les oppositions sont des rappels quant à la réalité, différente des plans tracés, et nécessitant alors une prise en compte d’éléments nouveaux. L’efficacité du projet résidera ainsi à la fois dans la capacité à prévoir les oppositions par une réflexion plus approfondie et dans la capacité d’adaptation aux éléments imprévus sans oublier la dimension essentielle du but initial.

        La dimension systémique

        Comme nous l’avons vu, une fois le but fixé (5e étape – SOL), la mise en œuvre peut se dérouler harmonieusement. Toute réalisation concrète s’effectue dans un système (l’équipe ou l’entreprise, la famille ou le groupe d’amis) composé de membres. Les systèmes sont imbriqués les uns dans les autres.

        Eclairons, à l’aide des principes systémiques, les conditions d’une réalisation harmonieuse et efficace dans un système d’entreprise, par exemple le département d’informatique d’une société ayant plusieurs départements.

        Il y a d’abord les métaprincipes :


        Le métaprincipe de réalité : Il y a un projet à réaliser, dans un certain contexte : temps, budget disponible, intervenants avec certaines compétences et limitations professionnelles ou relationnelles.

        Le métaprincipe de priorité : Qu’est-ce qui est le plus important dans la réalisation de ce projet ? Ce projet est-il prioritaire sur d’autres projets de l’entreprise ?

        Le métaprincipe de l’équilibre entre donner et recevoir : Qu’est-ce que ce projet va apporter au système supérieur (l’entreprise, les clients, l’humanité....) ?

        Il y a ensuite des principes essentiels :


        Le principe d’appartenance - Dans un projet, il y a un nombre défini d’intervenants. Il est avant tout indispensable que chacun ait connaissance de l’existence des autres membres participant au projet. Plus on avance dans un projet et plus il est important de bien s’entourer de personnes compétentes, responsables, fiables, volontaires, engagées et ayant de belles qualités relationnelles.

        Le principe de rang : Chaque intervenant a une place et une responsabilité précises quant au projet.
        Il est important que le responsable de projet (celui qui donne les directions à suivre) ainsi que les tâches assignées à chaque intervenant soient clairement définis.

        Le principe de la double hiérarchie : Est-ce que l’avis de cet employé doit être pris en compte dans ce projet du fait de son charisme ou de son expérience dans l’entreprise ?

        Le principe d’engagement : Est-ce que cet employé a montré jusqu’ici un engagement suffisant pour qu’on lui confie cette tâche ?

        Le principe de résultat : Est-ce que cet employé a déjà obtenu des résultats suffisants dans des projets de même envergure pour qu’on lui confie cette tâche ? 

        Le principe de compétence : Est-ce que cette équipe ou cet employé a les compétences requises pour qu’on lui confie cette tâche ?

        Le principe de la réalisation individuelle : Est-ce que cette tâche va apporter quelque chose, être une source de dépassement dans l’évolution (professionnelle, individuelle ou spirituelle) de cet individu ?

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        Pour reprendre l’image très parlante de la goutte d’eau tombée du ciel, on voit qu’une idée de projet peut croupir dans la mare, faute de courant et d’issue, ou suivre les méandres de la réalisation. Ces méandres suivent certaines lois, qui prévalent dans tout le cosmos, mais qui, une fois réellement comprises, sont de véritables atouts sur le chemin des réalisations extérieures et intérieures, tant pour l’efficacité de nos projets que pour l’état d’esprit dans lequel nous les réalisons.

        Théo Bonnevie
        Article extrait de "Science de la Conscience n°61"
        « L’Esprit d’équipe c’est quoi ? »

        Article publié avec l'aimable autorisation de la revue Science de la Conscience.